lundi 8 novembre 2010

Analyse du Film "Gang of New York"

En 1970, Scorsese découvre un livre d'Herbert Asbury. A partir de ce moment, il n'aura de cesse de l'adapter au cinéma. Trente ans plus tard naît le projet définitif, «Gangs of New York», film, où règnent bruit et fureur, qui se développe sur près de 2 h. 40. On trouvera dans ce film trois destins: celui de Amsterdam Vallon, de la ville de New York et des Etats-Unis. Le film se situe dans le New York du milieu du XIX° siècle pendant l'arrivée massive d'immigrants alors même que la guerre civile (guerre de Sécession) réclame toujours plus de soldats, que la Conscription obligatoire se développe donc, et plus précisément aux «Five Points», croisement de cinq rues de la ville où s'affrontent les bandes rivales des «Natives» (descendants d'Anglais) et les «Dead Rabbits» ou «Lapins morts» (immigrés irlandais).


L'oeuvre commence par une scène de bataille annonçant le contexte de conflit que l'on pourra observer tout au long du film. Cette scène d'une violence sans précédant, étonne par une mise en scène (face à face solennel, défi provocateur et déchaînement barbare) au montage savant: le réalisateur nous plonge, d'abord, dans la sauvagerie d'un corps à corps dont aucun détail sanglant ne nous est caché; puis, par un mouvement de grue ascensionnel de la caméra, il «extrait» le spectateur de cette mêlée pour lui offrir, en un plan large vu en plongée, un tableau d'ensemble de la mêlée tout à fait étonnant car au cours de ce changement progressif de vision les différences entre les combattants se sont estompées, puis effacées, au point que la vue générale finale du champ de bataille donne l'impression de voir le même individu répété cent fois. 

Le propos est transparent à travers la métaphore, le croisement des rues (les Five Points)est assimilé à la naissance de New York qui est à la croisée du monde et de son Histoire (forte immigration et tentative de Sécession intérieure). Et cette Histoire nous sera montrée à travers l'affrontement symbolique entre deux hommes (Bill le Boucher, chef des Natifs hostile aux immigrants irlandais, etc. Amsterdam) pour s'approprier le pouvoir avec l'aide des hommes politiques cyniques, tel Boss Tweed.

Une nation qui naît aussi dans la guerre civile, ce qui nous vaut une autre grande séquence où l'on voit dans la même continuité, grâce à un plan latéral de droite à gauche de la caméra, les immigrants quitter leur bateau pour être aussitôt enrôlés dans l'armée et partir immédiatement pour la guerre de Sécession!

Cette nation apparaît dans la lutte des classes que Scorsese représente dans le traitement particulier des couleurs: ocres, bruns et gris ternes assombrissent les quartiers défavorisés; couleurs vives et chaudes illuminent les quartiers huppés. De plus on remarque que les natifs ont des vêtements aux couleurs patriotiques: du bleu, du rouge, et du blanc. D'ailleurs, dans une scène, Bill le Boucher affiche l'amour pour sa patrie en s'enveloppant dans le drapeau des Etats-Unis, et, petit clin d‘œil au symbole, on voit sur son œil de verre un aigle. Du côté des Irlandais, on trouve la croix celte ( combat du début), symbole fort de l'Irlande; leurs habits par opposition aux natifs, sont de couleurs rouge, vert sombre. Scorsese veut montrer la montée en puissance des Etats-Unis, grâce en partie aux nombreux immigrants, en se focalisant sur la vengeance d'un individu. On observe toute cohérence de Scorsese à la fin du film lorsque les deux points forts du récit - l'Histoire et l'Individu - se rejoignent et fusionnent lors de la dernière séquence au cours de laquelle l'armée met fin à, l'insurrection des Five Points contre la Conscription obligatoire à coups de canon dévastateurs. Une scène apocalyptique (pillages, lynchages, massacres) où se résout le destin de Bill et d'Amsterdam: autre croisement des destins individuels et de l'Histoire.

Et le film s'achève par une nouvelle trouvaille de Scorsese : le futur de la ville de New York (troisième « destin » du film !) est évoqué à travers un étonnant plan fixe de la ville de 1860 qui se transforme insensiblement et transcrit le passage du temps jusqu'à l'image du New York contemporain. Le générique enchaîne alors aussitôt sur le film dont il fait partie puisque la chanson de U 2 (« The hands who built New York »/ « Ces mains qui bâtirent New York ») le prolonge en célébrant la ville. Puis le silence se fait et, sur les derniers noms du générique, s'élèvent les rumeurs modernes de la ville, comme un bruit de fond, lointain mais proche et familier. Qui nous murmurerait que l'histoire se continue. Pour ce qui est de la musique, elle est soit irlandaise (Paddy's Lamentation - Linda Thompson) ou plutôt patriotique, selon si la scène met en avant les immigrés ( débarquement des bateaux) ou les natifs ( fêtes au satan circus).

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