mardi 9 novembre 2010

’Immigration des polonais et juifs

Recruté en Pologne, les mineurs recevaient leurs affectations dans les mines..
Ils venaient du bassin houiller de Silésie, ou du bassin de la Ruhr allemande. Ils connaissaient leur métier, leur adaptation ne posait pas de problème. Les ouvriers agricoles connaissaient le travail de la terre. Ils ont trouvé des animaux identiques à ceux qu'ils avaient laissés chez eux… On leur demandait de produire de quoi nourrir la population.
Les ouvriers des fonderies n'ont pas failli à la tâche, leur reconversion s'est avérée facile, leur adaptation n'a posé de problèmes.
Ils se sont installés dans toutes les régions de France, s'y sont intégrés, tout en gardant leur culture et leur identité originelle.
Plus de 300 000 polonais sont arrivés dans le Nord de la France entre 1921 et 1938, et actuellement, environ plus de 500 000 habitants qui revendiquent la nationalité polonaise ! 11 000 d’entre eux conservent d’ailleurs la nationalité polonaise. Grande consommatrice de main-d'oeuvre, la mine a provoqué d'importantes migrations tout au long du XXe siècle. Dans le nord de la France, les Polonais sont venus extraire le charbon par centaines de milliers et la communauté polonaise est désormais parfaitement intégrée.
 Pour le patronat, les travailleurs polonais ont alors la réputation d'être "dociles et courageux", note le consul général de Pologne à Lille, Marek Chojnacki. "C'étaient des ouvriers qualifiés, des gens qui ne contestaient pas trop, souligne-t-il. Il y avait une certaine morale du travail. C'était un honneur pour eux d'exercer leur travail comme il faut". Très vite, les familles se regroupent et la communauté s'organise. Des associations, des paroisses, des écoles polonaises voient le jour. Deux journaux en langue polonaise sont diffusés à partir de 1923 dans la région.  Après la première guerre mondiale, la Pologne qui vient de retrouver son indépendance le 11 novembre 1918 connaît un essor démographique important mais le pays est faiblement industrialisé·

A l'origine, le séjour des travailleurs polonais ne devait être que temporaire : ils avaient la ferme intention de repartir en Pologne après avoir amassé quelques économies en France même si ils se sont relativement bien acclimatés dans ce pays. Entre 1921 et 1938, 300 000 Polonais viennent donc s'installer dans l'Hexagone en Lorraine mais surtout dans le Nord Pas-de-Calais.
Malgré la différence de leur expérience dans la conduite de la vie associative, ces Polonais progressèrent rapidement dans la formation d’une communauté soudée qui manifestait toujours en terre étrangère, son attachement à la Pologne et à sa culture. Le premier souci des associations polonaises fut d’envoyer des délégations houillères pour que l’on fasse venir des prêtres Polonais et que l’on construise des chapelles. De 1922 à 1925, une vingtaine de paroisse dites « polonaises » furent construites dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, et dans les agglomérations de forte proportion d’habitant polonais.  On remarque donc que bien qu’ils vivent en France, ils n’en restent pas moins polonais. Au fil du temps ce comportement créera une fosse entre les français natifs et les polonais. L’ensemble de l’immigration polonaise en France reconnut unanimement la nécessité d’enseigner la langue, l’histoire et la géographie polonaise aux enfants. Les compagnies minières privées exhaussèrent le vœu des parents en ouvrant des cours de langue polonaise dans leurs écoles libres.



Les juifs considérés comme des étrangers

Une communauté juive importante est établie dans l’est et dans le sud-ouest de la France, subissant la discrimination dans un Etat monarchique et religieux. La Révolution française avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, établit une distinction entre espace public et espace privé. Depuis la IIIe République il est interdit de poser des questions, lors des recensements, sur la religion des personnes. L’immigration juive n’est donc pas quantifiable au niveau des statistiques. En 1880, sur 60 000 à 80 000 juifs environ, quelques milliers de juifs peuvent s’intégrer dans diverses couches sociales françaises, notamment dans les classes moyennes. On observe une tendance très forte à la laïcisation. Elle permet au XIXe le processus d’intégration des juifs. 

Refus de la nationalité française

« Avant 1889, même les juristes ne savaient pas dans certains cas qui était Français et qui ne l’était pas. Les enfants d’étrangers pouvaient toujours refuser la nationalité française quand ils arrivaient à leur majorité. Et, contrairement à ce que l’on nous raconte aujourd’hui par rapport au passé qui est toujours enjolivé, quand on nous dit que les immigrants du passé étaient tous des patriotes dans l’âme, etc., qu’ils avaient tous l’amour de la France alors que ceux d’aujourd’hui ne l’auraient plus, l’histoire montre que ce n’est pas comme ça que cela fonctionnait puisque 90% des enfants d’étrangers, quand ils arrivaient à l’âge adulte, refusaient la nationalité française. » explique Gérard Noiriel. 
Ce refus pour ne pas faire le service militaire qui était de 3, 5 ou 7 ans, ce qui a déclenché des crises de xénophobie. 

Nationalisme et pogroms

En 1889, la première loi sur la nationalité française impose le double « jus soli » : celui qui est né en France et de parents nés en France est Français. 
« cela entraîne un phénomène tout à fait dramatique : la naissance du nationalisme et dans un certain nombre de pays aux régimes, disons, autoritaires, -les empires- qui à cette époque-là ne sont pas les régimes totalitaires qu’on aura après la Première Guerre. Dans les empires a des formes de persécution à l’encontre des minorités. Mais les premières victimes sont les juifs, notamment en Russie et en Pologne. », déclare Gérard Noiriel. 
Dès les premiers pogroms en Russie, un comité, présidé par Victor Hugo avant sa mort, en 1881, se met en place pour accueillir des juifs de Russie au nom des droits de l’homme. 

Développement de l’antisémitisme en France

Dans cette immigration, deux groupes sociaux se détachent avec une petite fraction d’intellectuels, d’étudiants, de militants politiques, membres de professions libérales et un groupe plus important, d’ouvriers, d’artisans de l’industrie textile, de la confection, du cuir. Ils transforment l’artisanat français. Ces juifs russes s’installent dans le quartier du Marais et à Belleville . Paris devient le premier exportateur de casquettes. Mais Paris devient fortement antisémite. L’antisémitisme se développe à cause de la concurrence avec les artisans français. Les classes populaires et les élites se retrouvent dans l’antisémitisme. Sur un million d’étrangers en France, on compte 30 0000 juifs, c’est peu, mais ils sont visibles. Avec la IIIe République, l’Etat français renouvelle ses élites parmi les juifs, les protestants, les francs-maçons. Aussi une nouvelle haine se développe chez les notables, les aristocrates évincés.



L’entre-deux-guerres

Dans les années trente, la reprise de l’immigration est liée à la reprise des persécutions antisémites qui se développent en Russie, en Pologne, puis en Allemagne avec la montée du nazisme. 
On estime qu’il y a autour de 200 000 juifs en France en 1939. Le nombre de juifs étrangers dépasse le nombre de juifs français. Les trois quarts viennent d’Europe orientale, cela crée des tensions surtout au niveau du marché du travail. Les classes moyennes, le petit commerce, l’artisanat, les professions libérales basculent dans l’antisémitisme. Les avocats, les médecins, qui n’ont pas fait de repentance après la guerre, sont les piliers du régime de Vichy. Des gens protégés par leur statut découvrent la concurrence sur le marché du travail dans les années 30.. Barrès et Maurras s’en prennent aux juifs, d’autres aux naturalisés. Les lois de Vichy s’attaquent aux juifs et aux Français d’origine étrangère pour des raisons de concurrence. Les juifs français regardent avec méfiance les juifs immigrés. L’extrême-droite inculque l’idée que les juifs sont un problème. Les juifs sont un « problème ». 
« Aujourd’hui, nous avons toujours cette question-là, le problème de l’immigration : on dit toujours que c’est un problème. L’extrême-droite, Maurras, l’Action française, ont réussi à devenir hégémonique quand ils gravent dans la tête de la majorité des Français que les juifs sont un problème. Une fois que vous avez réussi à faire admettre l’idée qu’une population, qu’une partie d’une population est un problème, vous avez déjà fait l’essentiel du travail. » précise Gérard Noiriel.

Certains vont se fondre dans la masse, d’autres revendiquer leur identité juive comme Bernard Lazare au moment de l’affaire Dreyfus.
Gérard Noiriel, né le 11 juillet 1950 à Nancy, est un historien français, l'un des pionniers de l'histoire de l'immigration en France. Il s'est également intéressé à l'histoire de la classe ouvrière

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